Aujourd’hui, je voudrais te parler d’une artiste qui fait un travail extraordinaire. Elle s’appelle Judit Just, vit aux Etats-Unis et tisse avec passion des couleurs et des matières bien truculentes.
Je te propose de trouver ici une traduction d’un article paru sur le blog de Sarah K. Benning, artiste textile spécialisée dans la borderie.
Jujujust, artiste textile
Judit Just est une artiste textile née à Barcelone en Espagne. Elle vit actuellement à Asheville, Caroline du Nord, où elle s’est installée en 2013. Elle y développe son activité et sa marque connue sous le nom de Jujujust. Elle a étudié la mode, la sculpture et l’art textile où elle s’est spécialisé en tissage et en broderie. Judit a grandi dans un milieu où le textile était présent et tient de sa mère ses compétences en matière de tissage. Elle a su récupérer d’anciennes techniques de tissage et leurs donner une nouvelle dimension à travers la couleur et des matières vintages.
Retrouvez ici son étonnant travail sur Instagram et sa boutique Etsy.
S.K.B : J’ai commencé ma série #craftwithconscience comme une façon de promouvoir à la fois le travail d’autres artistes et de discuter de la complexité des problèmes liés à l’inspiration et au fait de devoir développer son propre vocabulaire visuel. Internet est un outil qui prend une place de plus en plus importante dans la vie et le business de beaucoup d’artistes. Pourrais-tu nous dire quelques mots à propos du rôle qu’internet joue dans ta vie artistique et professionnelle ? De quelles façon Internet et/ou les réseaux sociaux ont impactés ton processus créateur ?
Jujujust : J’ai commencé de façon inattendue sur etsy et Instagram. Je n’avais pas du tout l’intention de créer une boutique. Tout a vraiment commencé en 2012, lorsque je terminais mon dernier projet textile pour mon diplôme. J’ai commencé à vendre certaines de mes créations, des travaux d’école tissés ou d’autres travaux plus créatifs. J’ai essayé de les vendre sur mon site. J’avais besoin de la vendre vite parce qu’à cette époque, je voulais m’installer aux Etats-Unis. Des clients ont commencé à me demander des variantes de certaines de mes tapisseries disponibles en ligne. J’ai eu de plus en plus de demande et j’ai dû faire des commandes personnalisées. Après quelques temps et beaucoup de travail, en même temps que la création de mon compte Instagram, tout a soudainement explosé, juste au moment de ce « mouvement tapisserie » qui se développe depuis un certain temps. Je me dis souvent que ça a marché pour moi parce que j’étais là au bon moment et que tous ces éléments combinés m’ont aidée à arriver là où je suis aujourd’hui. Sans internet et les réseaux sociaux, je ne pourrais pas faire ce que je fais et surtout, je ne pourrais pas en vivre. Même si cela est parfois un réel défi, je suis reconnaissante à cette époque où nous vivons car tout est possible si vous êtes persévérant.
Les réseaux sociaux m’aident particulièrement pour décider ce sur quoi je devrais travailler, ce que les gens aiment ou non, les couleurs tendances an matière de décoration d’intérieur, ce qu’ils veulent acheter ou voir, cela m’aide en ce sens. Des gens auxquels je n’ai jamais parlé peuvent me faire des demandes particulières et nous pouvons collaborer pour créer un belle pièce et en être satisfait.
S.K.B : Où trouvez-vous l’inspiration pour votre travail ?
Jujujust : Je ne travaille que sous l’effet d’une forte inspiration. Et je me suis rendue compte que plus j’étais fatiguée, plus j’avais d’idées.
Lorsque je tisse, je saute en général d’une idée à l’autre comme un papillon distrait. J’essaye de faire rapidement des esquisses et de fixer certaines combinaisons de couleurs qui surgissent, aussi rapidement que possible. Parfois, en marchant, des formes et des couleurs surviennent. Parfois encore, j’imagine ou interprète une chanson, une odeur ou encore un paysage sur un mode synesthésique. D’autres fois, je rêve de certaines textures. J’ai toujours été sensible au concept de synesthésie, un ensemble d’impressions qui nous emportent vers un autre chemin sensoriel, de façon complètement involontaire. Vassily Kandinsky, le père de l’art abstrait, avait cette capacité, en cherchant toujours à évoquer des sons à travers les couleurs et les formes.
Avec mes tissages, je recherche un plaisir mêlé, composé de la relation que j’entretiens avec le toucher et la synesthésie visuelle : toucher les couleurs, écouter les texture, goûter les formes… percevoir les couleurs d’une certaine forme et vice-versa. Mais plus particulièrement, mon but est de partager l’expérience avec chacun et de leur donner la chair de poule.
S.K.B. : Des sites comme Pinterest ou Instagram sont populaires parmi les artistes pour partager leur travail. Ils jouent également le rôle d’archives visuelles pour le public, qui accède au travail créatif par ceux qui naviguent entre « l’inspiration » et le « plagiat ». Avez-vous déjà trouvé des copies de votre travail et comment cela vous affecte-t-il ? Quelles sont vos stratégies pour les gérer ?
Ma meilleure stratégie est de ne pas en avoir peur et de continuer de travailler quoi qu’il arrive. Je me suis rendue compte que, si vous voulez vraiment que votre business marche, le plus important est d’être unique. Essayer d’offrir un produit vraiment spécial. Ne copiez pas. Etudiez la concurrence et faite le contraire. Soyez original et croyez en votre travail, quoi qu’il arrive. Essayer de ne pas trop vous inspirer du travail de quelqu’un d’autre. En définitive, continuez de travailler et de créer. Garder mes mains actives est ce qui m’aide le plus pour garder l’esprit clair et me concentrer.
S.K.B. : Avez-vous des conseils pour ceux/celles qui souhaiteraient devenir artistes ou ceux/celles qui ont un business autour de la création ?
J’ai appris qu’il était important de prendre un pause courte mais complète une fois par jour. Pendant les deux premières années, j’ai essayé de lancer ma boutique et de la développer, et je travaillais tout le temps. Vraiment tout le temps. Plus tard, ce qui m’a beaucoup aidé est la routine. C’est une chose avec laquelle j’ai dû me débattre à un moment. Depuis que mon atelier est dans mon lieu de vie, c’est très dur de déconnecter. Mais c’est tellement important de se concentrer sur autre chose de temps en temps. Je m’étire, je dans, je vais marcher, et m’étends au soleil ou je joue du piano pour me faire quelques pauses. Avoir un chien m’a beaucoup aidé également. J’aime avoir un programme journalier bien organisé, pour garder mes week-ends libres.
La routine et l’organisation marchent main dans la main. Cela dit, c’est important de connaître ses limites et de ne pas attendre de soi plus qu’on ne peut faire de façon réaliste. J’essaye de garder un agenda et de planifier les commandes sur la semaine. Cela aide à gérer le stress de mon entreprise. C’est également un bon moyen de se souvenir de prendre le plus de plaisir possible avec mon travail, et de faire de chaque pièce une création unique faite avec beaucoup d’amour.
Mon dernier conseil concernerait le service client : les petits détails font toute la différence. Soyez sûrs de répondre rapidement et d’avoir un suivi de vos clients, si vous le pouvez. Même si cela peut être une surcharge de travail quelques fois, j’essaye de suivre chaque commande pour voir si les clients ont bien reçus les tapisseries (et qu’ils les aiment). J’envoie parfois des images du processus de réalisation. Savoir exactement ce que vos clients aiment et le faire encore et encore vous aidera à faire grandir votre affaire.
S.K.B : Quels sont vos blogs, artistes ou comptes Instagram préférés que vous aimeriez partager ?
Jujujust : j’adore trouver des comptes Instagram qui regroupent un certain nombre d’artistes différents venant de toutes les disciplines comme @hifructosemag, @designsponge, mais aussi de groupe d’artistes textiles comme @thefiberstudio, @embroidery, @textileoftheday, et j’aime beaucoup suivre ta série Craft With Conscience pour découvrir de nouveaux artistes émergents.
Il y a d’autres créatifs incroyables que j’aime suivre et qui sont vraiment inspirants : @thebiginthesmall, @rachelbhayes, @suzanna_scott, @kimkeever.art, @iamadampogue, @accidentallywesanderson, @pipnpop, @aude_franjou, @sally_hewett, @virgin_honey…
En ce qui concerne mes artistes favoris, je voudrais citer ceux qui me sont chers depuis longtemps : Sheila Hicks, pour son innovation et pour l’usage étonnant d’un ensemble de techniques, couleurs et matières. Et Josep Grau-Garriga, pour les dimensions à couper le souffle et ses combinaisons techniques issues du passé et du présent. Il sait les faire fusionner en essayant toujours de conserver un beau propos politique.
Merci à Judit Just de m’avoir autorisée à traduire cette interview.
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